Georges Orwell dans son roman 1984 met en scène un état totalitaire, qui s’applique à détruire l’amour dans les couples : » Le but du Parti n’était pas simplement d’empêcher les hommes et les femmes de se vouer une fidélité qu’il pourrait être difficile de contrôler. Son but inavoué, mais réel, était d’enlever tout plaisir à l’acte sexuel. Ce n’était pas tellement l’amour mais l’érotisme qui était l’ennemi » Ce Parti a un étrange programme : « Nous abolirons l’orgasme ». La cible : les femmes auxquelles on serine dès l’enfance que la sexualité est » sans importance, légèrement dégoûtante » et ne sert qu’à avoir des enfants, se révèlent incapables de concevoir qu’elles peuvent aimer avec leur corps. Pouvoir du discours sur le corps et le désir.
Fidélité et plaisir, trésors de l’amour, sont donc des preuves de liberté et même de rébellion. Ils font partie de ces facultés qui sont l’apanage de l’être humain, qui construisent en lui une zone inaccessible. Tout sauf banal, l’amour fidèle dans le plaisir résiste aux stéréotypes imposés (un des plus forts stéréotypes aujourd’hui est qu’il faut tout essayer avec son corps) et reste le langage unique d’un couple, inimitable, libre de ne pas tout essayer, de s’exprimer à sa manière, et non selon les diktats. A la charnière de l’intime et du relationnel, fidélité et plaisir disent notre plus précieuse capacité : celle d’aimer en vérité et dans la joie. Un amour qui ne peut se prouver ni dans l’esprit (fidélité), ni dans la chair (plaisir d’être unis), se vide de son humanité, empêche de développer son identité féminine ou masculine.
Le théologien Servais Pinckaers affirme : « la vertu améliore notre sensibilité au plaisir même. » Une fausse idée est souvent ancrée en nous que les limites que nous nous imposons sont un renoncement au plaisir alors qu’elles sont la garantie de sa qualité et même de son intensité. Nous ne sommes pas perdants mais gagnants. Les efforts que nous consentons pour aimer mieux ne tuent pas le plaisir mais l’augmente.
Tout au long d’Amoris Laetitia, le pape François distille les conseils d’un art de vivre le plaisir d’une manière juste. Un plaisir où se cache un mensonge risque d’être un plaisir sans joie. « La joie en revanche élargit la capacité de jouir et nous permet de trouver du plaisir dans des réalités variées. » Un plaisir qui ne dilate pas le cœur est incomplet. Peut-être l’amour n’y était-il pas vécu en vérité? « L’excès, le manque de contrôle, l’obsession pour un seul type de plaisirs finissent pas affaiblir et affecter le plaisir lui-même. » Le renoncement total à son propre plaisir au bénéfice de l’autre n’est pas non plus l’amour véritable, plutôt une forme d’absence. A l’inverse, dominer l’autre pour son propre plaisir, c’est « une évasion de soi-même et une renonciation à la beauté de l’union » ainsi qu’une négation des différences. » Le problème, c’est d’être assez libre pour accepter que le plaisir trouve d’autres formes d’expression dans les différents moments de la vie, selon les besoins de l’amour mutuel. » Concrètement, le pape rappelle les quatre gestes que le couple ne doit pas oublier de vivre fréquemment dans la tendresse : la caresse, le baiser, l’étreinte, et l’union sexuelle. Les trois premiers : tous les jours. Pour notre plus grand plaisir.
Chronique parue dans le magazine Famille Chrétienne
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