Noli me tangere © François-Xavier de Boissoudy
Au début du pontificat du pape François, quelqu’un avait fait cette remarque : « Il veut une Eglise pauvre pour les pauvres. Et nous, alors ? » Ça voulait dire : et nous les riches alors ? Il n’y a pas 36 solutions : il faut que tous les riches deviennent des pauvres. Cela paraît bête, mais ça doit pas l’être tant que ça, au vu du temps qu’il faut pour comprendre. Je suis presque gênée de devoir préciser qu’il faut prendre pauvreté et richesse sur un plan plus profond que la profondeur du compte en banque. Plus profondément donc, expliquer ce qu’est la découverte de sa propre pauvreté, voilà tout un chemin, auquel invite le Pape, qui peut sembler improbable à beaucoup.
Personnellement, je me suis trouvée dans cette situation de prise de conscience, le jour, pas si lointain, où quelqu’un a dit devant moi : « La foi ne sert à rien si on n’a pas besoin d’être sauvé. » Cette phrase m’a assommée. Moi, croyante depuis toujours, je n’avais jamais senti le besoin d’être sauvée. Je ne m’étais jamais sentie comme la brebis perdue. Je n’avais pas tué, ni volé. Moi aussi, j’en étais encore à me considérer comme riche, de tout ce que je faisais de bien. Alors j’ai dit à Dieu : « Je veux avoir besoin de toi, comme quelqu’un qui est perdu. Mais, je voudrais le découvrir sans tuer, ni voler. » Prier en ces termes, c’était le premier pas. C’était déjà dire que j’étais perdue, puisque je commençais à souffrir de ma richesse, de ne pas avoir vitalement besoin de Dieu.
C’était reconnaître que jusque là, un truc essentiel m’avait échappé. Je me considérais comme une privilégiée et mes épreuves me semblaient toujours relatives par rapport à d’autres. Tant que vous dîtes : » il y a plus malheureux que moi », vous êtes bien élevé, c’est sûr, mais vous n’êtes pas encore prêt pour la miséricorde. Petit à petit j’ai regardé ce qui dans ma vie me faisait souffrir, me rendait impuissante, et un cri a commencé à enfler en moi.
Le cri, c’est la caractéristique du pauvre. Dans les psaumes, le cri du pauvre est plusieurs fois évoqué : un pauvre crie, le Seigneur entend. Il le sauve de toutes ses angoisses. Quand le pape dit : » Je veux une Eglise pauvre pour les pauvres », plutôt que de dire : « et moi alors ? » Disons : » Seigneur ouvre mes yeux sur ma pauvreté et que cela me fasse crier vers toi, que mon cri me permette de devenir pauvre parmi les pauvres. » Ainsi je vais pouvoir passer la porte sainte de la miséricorde, qui s’est ouverte pour moi aussi hier. Dieu par son Eglise m’ouvre la porte de sa miséricorde, vais-je lui ouvrir la porte de ma misère ?
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